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Psychodrama Helvetia et la reconnaissance du psychodrame en Suisse

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Roger SCHALLER interviewé.

 

ODeF : Pouvez-vous nous présenter Psychodrama Helvetia (PDH) ?

Roger Schaller (R. S.) : Il s’agit d’une association qui regroupe surtout des personnes qui ont une formation en psychodrame. Elle organise des formations, fait le lien entre institutions et professionnels, défend les intérêts de la profession afin de la faire connaître et reconnaître, entre autres.

L’organisation est composée d’un comité ; elle se réunit en assemblée générale ordinaire à raison d’une fois par an. Celle-ci se déroule parfois sur une journée et demi, avec un souper en commun et la possibilité d’être ensemble durant toute la durée de l’évènement.

Côté alémanique, on compte plus d’une centaine de membres. En Romandie, il nous fallait créer une section romande, puisque tout traduire directement du suisse allemand ne faisait pas forcément sens. Paul Debelle a, le premier, essayé de mettre en place une telle antenne et organisé les premières rencontres PDH en Suisse romande. Plus tard, Laurent Fontaine a été nommé coordinateur. Actuellement, cette fonction est remplie par Sandrine Racine au comité. La section romande organise également des rencontres et des formations. PDH lui met à disposition une partie du budget.

Au sein de PDH, nous éprouvons cependant quelque difficulté à intégrer de manière constante un Romand dans le comité, car les réunions sont souvent à Zurich ; les activités sont centrées sur la Suisse alémanique. Ces difficultés expliquent pourquoi PDH est organisé en deux sections distinctes, qui collaborent cependant étroitement par l’intermédiaire des coordinateurs.

ODeF : Comment est né PDH et à quels besoins cette association répond-elle ?

R. S. : L’association a été fondée à Zurich il y a une vingtaine d’années, principalement par des professionnels venant de la région zurichoise et du Nord-Ouest de la Suisse, qui avaient suivi pour la plupart une formation de psychodrame en Allemagne (aux Moreno Institut d’Ueberlingen et de Stuttgart). L’idée était de promouvoir le psychodrame dans le pays. Il faut savoir qu’à l’époque, en Suisse, le psychodrame était encore moins connu qu’aujourd’hui !

L’un des problèmes auxquels nous sommes confrontés est que le psychodrame est pratiqué par des personnes issues de branches professionnelles très diverses : il y a des formateurs d’adultes, des enseignants, des logopédistes, des psychomotriciens, des psychothérapeutes, des coaches, des superviseurs,… Cela peut amener à des points de vue divergents quant à l’orientation que cette association doit avoir. Bien sûr, dès que l’on parle de psychodrame, il n’y a pas de problème, car on explique qu’il s’agit d’une méthode pour promouvoir le bien-être, pour améliorer le fonctionnement d’une personne dans ses interactions et son réseau social. Ce n’est donc pas vraiment spécifique à une branche précise ; c’est pour cela que nous réunissons toutes sortes de professions. Mais le problème, c’est que l’on ne sait pas bien dans quel domaine promouvoir le psychodrame.

Prenons l’exemple de la psychothérapie, domaine que je connais bien que j’y travaille. En Suisse, nous sommes soumis à la nouvelle « Loi fédérale sur les professions relevant du domaine de la psychologie » (LPsy, 20131), avec un arrêté fédéral provisoire (en 2018, il s’agira de la loi définitive) ; nous avons failli rester sur le bas-côté, car nous ne nous étions pas engagés à promouvoir une formation de psychothérapie, parce que les formations en psychodrame ne sont pas spécifiques à la psychothérapie… C’est aussi le problème de certaines structures qui travaillent surtout dans le coaching, la formation, la gestion d’entreprise, dans lesquelles le côté psychothérapeutique est moins présent. Il y a alors problème pour la reconnaissance et l’accréditation, lorsqu’il n’y a pas de formations en place qui seraient principalement dans le domaine psychothérapeutique.

ODeF : Par quels moyens essayez-vous de faire reconnaître le psychodrame ?

R. S. : Avec PDH, nous avons voulu faire reconnaître la formation psychothérapeutique, mais la Fédération suisse des psychologues a refusé de reconnaître le psychodrame, en évoquant la raison suivante : peu de recherches scientifiques en prouveraient l’efficacité. Or, il ne s’agit pas seulement d’une technique mais d’une méthode intégrale. Un compromis a alors été trouvé : le psychodrame est placé sous le toit des approches humanistes. Etant donné qu’à Genève, l’ODeF proposait une formation de psychodrame humaniste, nous avons abandonné le cursus PDH et avons fait reconnaître le cursus de l’ODeF par la FSP, la Charte et l’ASP. On nous a alors accordé une accréditation provisoire en 2013, comme pour tous les instituts de formation déjà reconnus. A présent, au sein de l’Association suisse des psychothérapeutes, nous essayons d’acquérir l’accréditation définitive pour 2018 comme formation de psychothérapie humaniste centrée sur le psychodrame : l’ODeF et le psychodrame en sont au même stade que tous les instituts suisses reconnus, quelle que soit leur approche (psychanalyse, systémique, centré sur la personne, etc.).

Je ne pense pas que le fait d’abandonner le psychodrame pur et dur en formation, mais de le replacer comme psychothérapie humaniste, soit forcément une mauvaise chose ; en tant que psychothérapeute, on devrait être généraliste. C’est d’ailleurs l’approche d’autres pays, comme l’Allemagne et l’Autriche : le psychodrame qui y est appliqué est surtout humaniste. En Suisse, du côté romand, à part à l’ODeF, il est vrai qu’on est, pour l’instant, plutôt porté sur la psychanalyse.

ODeF : Cela a-t-il une influence sur la composition du comité PDH ?

R. S. : Nous essayons de représenter les différents secteurs professionnels. C’est aussi une question de ressources personnelles : on n’a jamais assez de personnes dans le comité pour représenter tous les domaines ; ceux-ci dépendent de qui siège au comité. Il s’agit donc de trouver un équilibre au sein de l’association, afin que les différentes tendances ne se sentent pas lésées ou n’aient pas l’impression que PDH en fait trop pour certains et pas assez pour les autres.

ODeF : Quel type d’activités proposez-vous ?

R. S. : Nous travaillons dans la formation continue. Les séminaires coûtent CHF 350.- pour les membres et CHF 450.- pour les externes. Cette année, nous avons par exemple invité Gabriele Stiegler, de Berlin. Elle nous a montré son approche en psychodrame, lors d’un séminaire s’étalant sur deux jours, intitulé « Accompagner des processus de changement avec les outils du psychodrame ».

Nous avons également proposé un séminaire sur « La gestion de conflits avec les outils du psychodrame ». Nous avons aussi invité Ron Wiener, au sujet du sociodrame.

En 2016, nous projetons d’inviter encore différents spécialistes du psychodrame, venant a priori pour la plupart d’Allemagne, mais aussi de Belgique avec Chantal Nève Hanquet, sur génogramme et psychodrame.

Interview de Roger SCHALLER réalisée par Vincent CHAZAUD.

 

Notes

1http://www.admin.ch/opc/fr/classified-compilation/20091366/index.html

Date de publication : 20 janvier 2016

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