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Faciliter la prise de décision en équipe

Faciliter la prise de décision en équipe

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Laurent Fontaine revient sur deux modèles utilisés lors d’une séance qu’il a menée.

Il est des situations en équipes de travail pour lesquelles les Méthodes d’Action peuvent apparaître comme un moyen de visualiser de manière plus saisissante les dynamiques à l’oeuvre. Laurent Fontaine, facilitateur, coach et formateur, partenaire de l’ODeF, a récemment mis en œuvre ces outils pour permettre à deux équipes d’une organisation, réunies sous la houlette d’un même responsable depuis peu, de trouver un moyen de commencer un travail visant à renforcer leur collaboration et leur capacité à décider ensemble.

Ergonomie des lieux et échauffement

Travailler avec les Méthodes d’Action demande tout d’abord des lieux adaptés ; les tables et les présentations de type Powerpoint laissent donc place à une salle libre de tout objet, si ce n’est dans ses extrémités. Seules les chaises y ont encore droit de cité. En effet, les participants ont à se lever et à se déplacer à plusieurs reprises pendant une séance. C’est notamment le cas lors de « l’échauffement » à l’action ; avant de se pencher sur le cœur du problème, les participants sont invités à se dévoiler quelque peu, sans que cela ne soit trop impliquant pour eux (on peut leur demander de prendre place le long d’une ligne signifiée physiquement au sol, en fonction de leur ancienneté dans l’entreprise : les nouveaux visualiseront en un coup d’œil qui sont les « anciens » et inversement). L’objectif de cette première partie est alors de permettre au groupe de s’approprier l’espace et de partager des informations nouvelles en visualisant l’ensemble de l’équipe d’un seul regard.

Quelle ambiance dans le groupe ? Un état des lieux.

L’un des temps forts de ces séances d’accompagnement d’équipe a été révélé par un modèle utilisé par Laurent Fontaine, qui permet de faire prendre conscience au groupe, et surtout au responsable du groupe, de l’état d’esprit de chacun par rapport à la situation de l’équipe. Ce modèle de sociométrie consiste à construire une échelle et de la disposer physiquement dans la salle, ce qui permet à chacun de se placer là où il considère être à sa place. Concrètement, les termes « beau fixe », « optimisme », « résignation », « inquiétude » et « amertume » ont été placés en étoile sur le sol.

Une fois que chacun s’est installé à la place qui lui convient, en fonction de ce qu’il estime être le plus compatible avec son état d’esprit actuel par rapport à l’équipe, les effets des Méthodes d’Action se sont bien fait ressentir ; le responsable de cette nouvelle équipe recomposée a pu embrasser l’état de la situation très rapidement, visuellement, avec toute l’équipe réunie.

Le témoignage du responsable après la séance a été intéressant. Pour lui, ce moment avait été l’un des points forts de la séance. Il n’avait pu jusqu’ici appréhender l’équipe que par des rencontres individuelles ou petits groupes. La visualisation debout, sans tables, rapide et exhaustive de la diversité des états d’esprit – de beau fixe à amertume (voir illustration) – ainsi que les commentaires partagés depuis les positions l’ont aidé à mieux comprendre et enregistrer les freins et les leviers pour retrouver une cohésion constructive. Tout ceci a en outre largement facilité la deuxième étape du processus.

Choisir le mode de collaboration

La seconde étape de cet accompagnement de groupe s’est déroulée autour du thème de la collaboration. Les discussions portaient sur la méthode à utiliser lors de futures séances afin d’améliorer le fonctionnement du service.

Les Méthodes d’Action ont ici permis, notamment, d’accélérer le processus en fin de séance. En effet, alors qu’il ne restait qu’un quart d’heure aux participants pour choisir leur mode de collaboration, et que certains souhaitaient déléguer la responsabilité du choix à leur supérieur, Laurent Fontaine s’est opposé temporairement à cette délégation, car les risques de se retourner contre le responsable au cas où la solution choisie ne marcherait pas étaient trop grands. C’est pourquoi le facilitateur a proposé à l’équipe de procéder à un choix de manière participative.

Les participants ont été invités à mentionner les options pour cette décision à prendre. Ces options ont été représentées par des chaises dans la salle : à chaque chaise correspondait donc un mode de fonctionnement pour l’équipe. L’animateur a demandé aux participants de se placer derrière la chaise qui représentait le mode de fonctionnement qu’ils souhaitaient privilégier à l’avenir. Une majorité (de neuf personnes sur dix-sept) ont choisi l’option « tous ensemble », tandis que trois préféraient créer des délégations et que les derniers souhaitaient que les membres de l’entreprise se répartissent par thèmes. Deux autres options défendues par une personne ont également pris place.

Après que les participants ont, par groupe, exprimés en quelques phrases les raisons de leur choix, l’animateur leur a demandé de se placer, cette fois-ci, vers la solution qu’ils jugeaient la moins bonne, puis d’argumenter pour cette option ! Le résultat a alors été le suivant : tous les arguments pour et contre ont pu être entendus. Ainsi, les participants ont pu choisir à nouveau l’option qu’ils préféraient, s’ils avaient changé d’avis par exemple, ce qui devait permettre d’éliminer plusieurs options (deux des cinq ont pu être écartées) ; les participants dont l’option n’existait plus ont ainsi rejoint une autre option possible.

Au final, l’option du « tous ensemble » a été choisie. Néanmoins, cette solution a été le fruit d’une discussion, rapide certes, mais durant laquelle tout le monde a pu être vu dans ses choix et entendu. Finalement, ceux qui n’avaient pas choisi cette option ont accepté de la rejoindre à la condition qu’elle ne soit appliquée que pour trois séances de travail. Cette négociation a eu lieu en présence du responsable de cette nouvelle équipe, responsable qui a ainsi pu visualiser et entendre la bonne volonté dont ont dû faire preuve une partie des collaborateurs.

Les Méthodes d’Action ont donc servi non seulement à accélérer un processus participatif, mais aussi à aider une équipe à choisir un mode de fonctionnement ; de plus, le responsable a pu se rendre compte d’une manière différente de l’ampleur des sentiments auxquels il lui faudrait faire face, et ce, en présence de toute l’équipe. Il a aussi pu constater la bonne volonté qui a permis de trouver une solution convenable pour tous.

Interview de Laurent FONTAINE réalisée par Vincent CHAZAUD

Date de publication : 8 novembre 2014

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