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Un congrès international très riche sur la méthode de Moreno

Un congrès international très riche sur la méthode de Moreno

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Norbert APTER interviewé.

Ils sont venus d’Europe, des pays de l’Est, du Moyen-Orient, d’Amérique du Nord, d’Amérique du Sud, de Chine, du Japon, d’Inde, d’Australie de Nouvelle-Zélande, d’Indonésie etc. Spécialistes de la méthode de Moreno : le psychodrame et les Méthodes d’Action1. Réunis en août 2014 à Londres pour un congrès organisé par l’Association britannique de psychodrame (BPA) et par l’Association internationale de psychothérapie de groupe (IAGP). Elle avait pour objet empowering practice, ou comment le psychodrame peut donner à la personne les moyens de reprendre le pouvoir sur elle-même. Les intervenants, de tous horizons, se sont succédés pour des dizaines d’ateliers et de conférences. Parmi eux, Norbert Apter, de l’Institut ODeF, a pu constater la diversité des pratiques mises en œuvre dans les domaines du psychodrame et du sociodrame, pratiques dont il nous a livré quelques exemples en guise de réflexion.

Sociodrames en plein air : une expérience brésilienne

Heloisa Fleury, psychologue clinicienne et psychodramatiste, a pu faire part, lors de sa conférence, d’une expérience longue de onze ans qu’elle a pu mener au Brésil. Ses sociodrames se déroulent en plein air à un rythme hebdomadaire. Ils permettent à ceux qui y participent de s’emparer d’un thème actuel (qu’il soit sociétal, politique ou encore qu’il s’agisse d’un fait divers), puis de l’utiliser de manière à ce que le groupe réuni se demande comment il pourrait réagir s’il était confronté lui-même à ce type d’évènement – sans que des cas personnels ne soient mis en avant.

Cet espace ouvert de réflexion commune est l’occasion pour les personnes qui viennent – et reviennent – de pouvoir aborder un thème de société et d’y réfléchir par l’action. Il permet également de créer une dynamique de groupe et, en cela, aide à constater à quel point des individus, regroupés, pensent avoir sur leur vie en société, à une échelle locale ou globale, une certaine influence.

Mise en action et réactions physiques

Le Suédois Göran Högberg, professeur de neuroscience, a lui, lors d’une autre conférence, mis en avant les résultats de ses observations concernant les réactions physiques engendrées par des expériences de mise en action ; certains organismes, selon lui, y réagissent physiquement. Ces expériences permettraient donc à un organisme de s’y relier et de dénouer des nœuds inscrits dans sa mémoire sensorielle et affective.

Le rôle du symptôme

Lors d’un atelier original, Judith Teszáry, thérapeute psychodramatiste, a tenté de faire part de son expérience de psychodrame au service du traitement des questions psychosomatiques. A cette occasion, elle a fait jouer à une personne présente le rôle du symptôme ; un dialogue s’est donc installé entre le protagoniste et son symptôme. On a ensuite procédé à un renversement des rôles, ce qui a alors amené le protagoniste à jouer le rôle de son propre symptôme. Les membres du groupe se sont joints petit à petit pour jouer diverses personnes significatives et diverses parties du corps ; les techniques psychodramatiques se sont succédé.

Cette mise en scène a permis, selon elle, de constater une interaction certaine entre la psyché et les symptômes d’une personne ; le symptôme n’est souvent pas que symptôme, il a des liens avec des éléments psychiques, parfois même avec des scénarios familiaux. En l’occurrence, le protagoniste s’est positionné comme quelqu’un de sa famille, puis a adopté une position inverse pour l’expérimenter. Prises de conscience et diversité des perspectives ont peu à peu produit le changement désiré.

La manière d’être du psychodramatiste

L’un des ateliers, mené par Norbert Apter lui-même, a porté sur la manière d’être du psychodramatiste. Alors que les rôles classiques du psychodramatistes sont habituellement considérés au nombre de quatre (ceux du producteur, de l’analyste de situation, du psychothérapeute et de l’animateur de groupe), M. Apter a mis en lumière un autre rôle, transversal et complémentaire. En effet, ce rôle, celui de facilitateur, ne relève ni de la technique, ni de la manière d’agir ou encore d’évaluer ; il transparaît dans les diverses manières d’être adoptées par le psychodramatiste.

Ce rôle permet d’accompagner la personne au plus proche de là où elle est, de faciliter un processus qu’elle enclenche elle-même, de lui donner, à travers la méthode, la présence bienveillante qui puisse l’aider à évoluer. Plus complexe qu’il n’y paraît, ce rôle exige notamment à la fois l’empathie, l’acceptation inconditionnelle de l’être (c’est-à-dire de l’autre), ainsi qu’une forme d’authenticité, la congruence.

Un sociodrame en groupe

En outre, le congrès a aussi été le théâtre d’expériences inédites, à l’exemple de cet atelier mené par Di Adderley, à l’origine un sociodrame classique – une histoire montée à partir d’un fait présent dans la salle. Cependant, plutôt que d’attribuer un rôle à une personne, c’est à des groupes de six à huit personnes qu’ont été confiés certains d’entre eux.

Cette forme de sociodrame n’a pas maximalisé les potentiels du groupe; cependant, ce constat n’a pas empêché les spécialistes présents d’en tirer de nombreux enseignements, eux qui en ont été les cobayes d’un jour – ce qui a également permis de sécuriser l’expérience. Celle-ci a montré, une fois de plus, que la recherche-action en psychodrame continue et vise encore à cerner de quelle manière l’action peut amener une prise de conscience et constituer un apprentissage pour ses participants.

En conclusion

La diversité de la provenance des participants et des intervenants de ce congrès a donc mis en évidence la grande diversité des spécificités de chacun, selon les circonstances et leur environnement, à partir d’une même méthode. Elle a ainsi permis à tous de constater les formes différentes que revêtent les applications d’un objet d’étude commun à tous les spécialistes présents, qu’ils oeuvrent dans le psychodrame, dans les Méthodes d’Action et le sociodrame, ou dans tout autre domaine connexe. Ce sont là des moments très riches en perspectives.

Interview de Norbert APTER réalisée par Vincent CHAZAUD

Notes

1En savoir plus:
Apter, N. (2014). La méthode de Moreno : « Montrez-moi ». Le psychodrame et les Méthodes d’Action. Journal Relation-Action, Institut ODeF, Genève.

 

Date de publication : 15 octobre 2014

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