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Théâtre Playback en Romandie

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Katia Delay Groulx, metteure en scène et art-thérapeute, est directrice de La Fadak, un lieu pluridisciplinaire qui a pour but d’aider les gens à se découvrir ou se reconstruire et de créer du lien social par la création artistique.

L’une des propositions de la Fadak est le théâtre Playback, une forme de théâtre d’improvisation encore peu connue en Suisse romande qui consiste à jouer les récits de vie des spectateurs en direct.

Katia Delay GROULX interviewée.

ODeF : Comment la Fadak, la fabrique autrement d’Aloys K., a-t-elle été créée et quel est son but?

Katia Delay Groulx (K.D.G.) : J’ai créé la Fadak en mars 2014 car je rêvais d’un lieu qui puisse accueillir toutes mes idées, qui n’entrent pas forcément dans des boîtes. De par mes formations multiples et mon orientation à la fois artistique, thérapeutique et dans le développement personnel, je voulais créer un lieu où ces différents genres pourraient se rencontrer.

Mon but était de décloisonner les sciences humaines, les pratiques artistiques et la relation d’aide, créant ainsi des passerelles entre ces différentes disciplines et entre les différentes pratiques artistiques, dans l’idée d’ouvrir des possibilités. Je voulais créer un lieu où les gens puissent explorer différentes modalités expressives, faisant ainsi émerger des ressources.

ODeF : Comment définiriez-vous le théâtre Playback ?

K.D.G : Le théâtre Playback est un théâtre d’improvisation dont la spécificité est qu’une troupe d’acteurs rejoue en direct les récits de vie des spectateurs que ces derniers racontent sur le moment. Certaines fois il y a des thématiques et d’autres non.

Le conducteur est une personne de la troupe qui fait le lien entre les acteurs et les spectateurs et choisit la forme de la structure dramaturgique. Ces structures dramaturgiques sont connues de tous les acteurs et agissent comme des pré-mises-en-scène.

L’enjeu pour les acteurs est de saisir le noyau du récit et d’aller à l’essentiel, tout en faisant émerger ce qui n’a pas été dit. Tous les acteurs sont formés à une approche sensible et bienveillante. Le théâtre Playback est un lieu qui permet aux personnes de parler et de se raconter, ce qui est rare. Si l’histoire s’est terminée de manière difficile, la troupe va essayer de transmettre des messages positifs à la fin, son but étant aussi de souligner des aspects revalorisants et ressourçants.

ODeF : Quelles sont les applications et utilités du théâtre Playback ?

K.D.G. : Nous faisons des représentations de type festif, comme les mariages et les anniversaires. Nous avons également joué dans des écoles, des garderies et des EMS. Le théâtre Playback permet de travailler sur des thèmes de groupe avec, par exemple, un sujet comme les dépendances. Le théâtre fait tomber des barrières, des préjugés, souvent de manière très ludique. L’humour aide à améliorer la circulation de la communication.

Le théâtre Playback est aussi un théâtre de l’identité. Il est en effet très utile pour travailler avec un groupe ayant une identité spécifique. Au mois d’octobre, par exemple, nous avons participé à une campagne pour les proches aidants, dont le but était de leur apporter de la reconnaissance pour ce qu’ils accomplissent au quotidien. C’était l’occasion de leur donner la possibilité de parler de leur réalité de proches aidants et de raconter leurs difficultés et leurs joies. Mais le théâtre Playback a aussi aidé à mettre ces personnes en relation et à ouvrir de nouvelles pistes de solutions très concrètes. Ainsi, grâce à la mise en forme artistique, l’identité collective des proches aidants s’exprime de manière beaucoup plus forte, plus claire et plus informée.

ODeF : Le théâtre Playback a-t-il des applications professionnelles ?

K.D.G. : Oui, le théâtre Playback peut être utilisé pour des supervisions d’équipes et du team building. Nous travaillons alors à la demande d’institutions qui auraient besoin de renforcer la communication dans une équipe. Le théâtre Playback permet de rendre visible ce qui n’est pas dit au sein d’un groupe tout en dédramatisant la situation.

ODeF : Vous proposez une formation de théâtre Playback. En quoi consiste-t-elle ?

K.D.G. : La formation se déroule sur à peu près une année scolaire, deux heures en soirée par semaine ainsi que quelques journées thématiques et une session intensive de quatre jours en février afin d’approfondir et resserrer les liens dans le groupe. Les conditions pour participer à la formation sont d’avoir déjà fait du théâtre ou d’avoir envie de se lancer, avoir au minimum dix-huit ans et être prêt à faire un travail sur soi.

La formation est très axée sur la pratique. Elle comprend notamment des jeux, des entraînements aux différentes formes du théâtre Playback et un entraînement à l’écoute sensible. Il faut savoir jusqu’où aller au-delà des mots, en offrant un ‘surplus de réalité’. Le but est d’amener le spectateur à changer de point de vue, d’en évoquer de nouveaux et d’ouvrir de nouvelles perspectives.

ODeF : Le projet de théâtre Playback de la Fadak est un pionnier en Suisse romande. Quelles réactions et retours observez-vous ?

K.D.G. : Le théâtre Playback est en effet encore peu connu en Suisse romande où la troupe est une pionnière. Il est néanmoins plus connu en Suisse allemande.

Les retours sont extrêmement positifs et les personnes y ayant participé sont touchées d’avoir cet espace de parole. La mise en perspective artistique de leur situation leur permet de se redécouvrir autrement, avec d’autres perspectives et d’autres ressources. De plus, le théâtre Playback est une théâtre favorisant le lien social, pendant les représentations certes, mais aussi après. Il produit également de nombreuses rencontres au sein du public.

En conclusion, le théâtre Playback est une forme d’improvisation théâtrale inédite qui mérite d’être découverte et exploitée, notamment en raison de la simplicité de son dispositif (facilité d’installation, décor minimaliste, peu de coûts). Il s’agit d’un outil de partage extrêmement efficace et original qui fait beaucoup pour le lien social et le renforcement de l’identité, à la fois collective et individuelle. La Fadak est très fière d’avoir fait naître ce projet.

 

Interview de Katia Delay GROULX réalisée par Sophie BERDOZ.

Date de publication : 27 février 2018

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