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La méthode des deux chaises : puiser dans ma sagesse pour mieux choisir ?

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Cecile OSSE interviewée.

Au cours du symposium 2016 Plaisir et Tension de l’Institut ODeF, Cecile Osse a animé un atelier lors duquel la technique dite des « deux chaises » a été présentée et mise en action avec un groupe d’une vingtaine de participants.

ODeF : Cecile Osse, comment en êtes-vous arrivée à présenter, lors de ce symposium, la méthode des deux chaises ?

Cecile Osse (C. O.) : J’ai pu constater dans ma pratique qu’il s’agit d’une méthode à la fois très simple et très efficace, qui apporte beaucoup aux personnes qui entrent dans le jeu. En peu de temps, elle donne énormément d’idées, permet de prendre conscience et aide donc très vite. Cela a affaire avec la méthode, mais aussi avec le fait que je voulais venir ici avec quelque chose qui vienne de moi-même et avec laquelle je travaille vraiment beaucoup, afin de partager mon expérience. Je l’utilise plutôt en tant que formatrice en leadership.

ODeF : Comment décrire cette méthode ? Que représente-t-elle ?

C. O. : Il s’agit de représenter des voix de l’intérieur, mais aussi parfois de l’extérieur, qui viennent en nous, sont mélangées dans notre tête et nous perturbent. On les sépare, on y met l’intention qu’elles méritent. En les montrant aux autres, on devient conscient de leur existence et cela leur apporte plus de clarté sur ce qu’elles sont, sur ce qui est important pour moi, sur ce qui me perturbe vraiment, sur comment je me sens de chaque côté. Les chaises représentent ces deux voix, à savoir, dans le cas d’une prise de décision : le désir de changer d’un côté, et de l’autre la peur des conséquences possibles de ce changement.

Parfois, il y a d’autres voix (dans le psychodrame, il y a plusieurs rôles), mais je reste sur ces deux voix, sinon cela deviendrait trop difficile. En général, on travaille avec des personnes qui sont dans la formation et non avec des spécialistes. Travailler avec ces deux voix est plus accessible et compréhensible par tous. Et je pense qu’elles sont suffisantes, car à elles seules, elles représentent des choses très significatives pour les gens. Ils arrivent à entrer plus facilement en contact avec des parties d’eux-mêmes qui sont importantes mais auxquelles ils ne veulent pas forcément être confrontés. C’est une rencontre avec soi-même.

ODeF : N’y a-t-il pas le risque de présenter une vision binaire et simplificatrice des tiraillements intérieurs ?

C. O. : Cette question de la simplification est importante. Il y a une division en deux, mais ces voix sont elles-mêmes constituées de parties différentes, ont des points de départ différents. Ce sont deux pôles plutôt que deux faces différentes et opposées. C’est pour cela que les participants en viennent à dire : « Ah, voilà, ça c’est le côté rationnel, et ça, c’est le côté des sentiments ! » Il est faux de prétendre que cette méthode rend le tout trop simple.

Je travaille avec cette méthode parce que je sens et expérimente qu’elle a un effet bénéfique. Si je constatais que cela simplifiait par trop la complexité des tiraillements intérieurs, je ne l’utiliserais pas ! Mais il est vrai qu’il faut être particulièrement attentif à ce que les gens n’en tirent pas des conclusions simplistes.

ODeF : Cette méthode, d’où vient-elle ?

C. O. : Je l’ai élaborée à partir de plusieurs influences, dont celle de l’underdog et de l’upperdog, de la Gestalt therapy, soit de ma formation en psychodrame. Elle est aussi pensée sur les idées d’autonomie et de connexion, venant de la TCI. J’ai pu voir que beaucoup de gens pensaient en contradiction, alors j’ai trouvé que cette méthode faisait sens et pouvait les aider. Ce n’est pas moi qui l’ai inventée, les sources existaient déjà ; en revanche, je ne la vois pas souvent utilisée, j’apporte donc ma pierre à l’édifice en la pratiquant.

ODeF : Dans quel(s) cadre(s) est-elle utilisée ?

C. O. : Je l’utilise en entreprise et lors de coachings personnels, avec des cadres, des responsables d’équipes, avec des professionnels qui ont des positions de conseil dans les entreprises, etc. Mais on peut l’utiliser avec absolument tout le monde, ce n’est pas une exclusivité pour les chefs d’équipe. J’utilise aussi beaucoup cette méthode lors de coachings personnels : le protagoniste est seul et peut, grâce à cette méthode, créer de nombreuses connexions avec lui-même et avec sa propre sagesse.

ODeF : En guise d’échauffement, les participants se sont mis par binômes : l’un devait s’imaginer à un banquet, déambuler parmi les autres invités et leur parler, et son voisin devait jouer sa « petite voix », reflet de ses pensées non dites, à haute voix. Pourquoi avoir choisi cet exercice, dans quel but ?

C. O. : Je ne propose pas toujours un échauffement sous cette forme. Dans ce cas-ci, je voulais échauffer les participants à l’usage du double, à oser devenir double à travers cette « petite voix ». J’ai fait ce choix très intuitivement. C’est une façon d’entrer dans le jeu. Les gens ont marché ensemble dans la pièce, ils ont acquis un peu d’expérience sur ce que cela fait que de s’exprimer en étant une petite voix.

ODeF : Ensuite, nous sommes passés à la méthode elle-même. Un participant était invité à exprimer un dilemme auquel il était confronté dans sa vie privée ou professionnelle. Sur une chaise, il exprimait ce qui le poussait à aller vers le changement. Assis sur l’autre chaise, il exprimait ce qui le retenait de le faire. Puis chacun était invité à venir le doubler, vers l’une ou l’autre chaise. Qu’est-ce qui doit sortir de ce moment ? Votre rôle est-il en quelque sorte celui d’un « accoucheur » de type socratique ?

C. O. : Oui, je crois que c’est cela. Je trouve très important que les gens se mettent en accord avec eux-mêmes, en le faisant eux-mêmes sans que ce soit moi qui émette des hypothèses et des solutions. Il faut qu’ils se mettent en communication avec les questions suivantes : « Qu’est-ce que je veux vraiment ? » « De quoi ai-je peur ? » « Ai-je vraiment peur ? » « Qu’est-ce que je pense vraiment? » Effectivement, mon rôle n’est pas d’être la personne qui dit ce qu’il faut faire, mais plutôt celle qui les guide dans leur propre exploration.

C’est un rôle formidable, parce qu’il n’y a pas seulement le fait qu’ils trouvent leur vérité, il y a aussi une sorte de synthèse qui se dégage pour eux après la thèse et l‘antithèse, dans cette confrontation. Autrement dit, ils utilisent les éléments qu’ils jugent pertinents pour eux, et parviennent à intégrer ce qui ne semblait pas intégrable, et c’est cela que je trouve particulièrement important et intéressant. Je suis souvent surprise par ce que les gens apportent, que ce soit les petites voix de l’audience ou la personne sur laquelle nous nous penchons plus particulièrement, et comment cette dernière parvient à intégrer ce que les petites voix lui apportent ou lui proposent. Cela rend le processus plus rapide et efficace et apporte également beaucoup à l’audience. Ce n’est pas seulement le protagoniste, mais aussi tous les autres participants qui peuvent se rencontrer eux-mêmes, c’est aussi très intéressant.

ODeF : En fin d’atelier, lors de la séance de questions, l’un des participants a mis en avant le caractère fortement exposant de cette méthode, du moins dans la forme présentée à ce moment-là. Le protagoniste est devant une grande équipe et chacun peut venir le doubler.

J’utilise toujours cette méthode sous la même forme, mais je fais attention à quel moment je l’utilise et je présente aussi les règles du jeu : le protagoniste peut (ou non) prendre ou modifier ce que le double propose, il peut aussi arrêter le jeu à tout moment, et tout ce qui se passe durant la séance reste dans le groupe et n’en sort pas. De plus, les participants viennent avec des thèmes moins personnels, plutôt dirigés vers leur profession. Je ne le ferais évidemment pas lors d’une première rencontre avec un groupe mais seulement avec ceux qui ont déjà une expérience commune.

Il est vrai qu’il faut toujours faire attention. Il m’est arrivé, au début, que des personnes me demandent de stopper le jeu. Le risque était trop grand. Dans ces cas-là, j’ai laissé le jeu s’arrêter. D’un autre côté, si les gens osent se montrer un peu, cela leur apporte beaucoup en retour et permet de former un groupe plus uni.

Je souhaite travailler toujours moins en surface avec les participants travaillant en entreprise, et aller plus en profondeur. Cela demande de veiller à un certain équilibre.

 

Interview de Cecile OSSE réalisée par Vincent CHAZAUD.

Notes

(1) Ce texte fait partie des Actes du Symposium « Plaisir et Tension », organisé par l’Institut ODeF, qui s’est tenu à Genève les 4 et 5 juillet 2016.

Date de publication : 24 octobre 2016

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