Et si je prenais ma carrière en main ?

Par Angelika LORENZ.

Ne vous est-il jamais arrivé que l’un de vos collègues soit promu à votre place ? Qu’un autre candidat soit choisi pour un poste, bien que vous présentiez un meilleur profil ? Connaissez-vous cette impression d’être coincé dans votre carrière ? Sentez-vous un manque de reconnaissance et d’appréciation de vos efforts et de votre travail ?

Si la réponse est oui à l’une de ces questions, il pourrait être temps de penser à comment prendre soin de votre carrière de manière à devenir un véritable acteur dans les processus de décision lorsque cela concerne votre propre suite de carrière.

En attendant Godot

Dans ma pratique de consultante RH, je me trouve souvent en face d’employés qui considèrent que c’est le boulot du manager que de leur créer des opportunités de carrière. En tant qu’employé, vous pensez peut-être que si vous faites suffisamment la preuve de vos compétences professionnelles, c’est à votre direction de créer des opportunités de carrière et de vous taper à l’épaule en demandant « voudrais-tu être le prochain team manager, premier vice-président, PDG, … ».

Mais pourquoi attendre de quelqu’un d’autre qu’il fasse ce que vous pouvez faire vous-même bien mieux ? Pourquoi abandonner les rênes de votre propre vie professionnelle ? Lorsqu’il s’agit de la prochaine promotion, qui peut mettre en avant ce que vous avez accompli mieux que vous-même ? Cela peut paraître plus simple d’attendre, mais il y a de fortes chances que vous soyez mieux servi par vous-même et vous préoccuper de votre carrière pourrait même s’avérer gratifiant.

Le Self-Marketing, ou : comment promouvoir ses propres compétences

Prendre votre carrière en main signifie que vous êtes conscient de vos compétences, de manière à les promouvoir vous-même.

Maintenant, il est vrai que se créer un plan de carrière est plus facile à dire qu’à faire – il s’agit d’un travail dur, très dur. Cela demande une attention particulière au détail, à la connaissance de vous-même, du courage et une foi en vos propres capacités. Peut-être vous dites-vous : « Pourquoi moi ? Je ne suis pas meilleur que mes collègues ! » Se construire sa propre carrière requiert une considération importante, mais aussi du cran – le cran n’étant pas seulement de dire « je le vaux bien (I’m worth it) », mais aussi d’y croire.

Le Self-Marketing consiste en la construction et la promotion d’une image réaliste de vous-même. Cela ne peut se faire que si vous vous connaissez. Un ingrédient essentiel du Self-Marketing est le self-audit, c’est-à-dire de considérer attentivement votre propre personne, vos capacités, vos forces, vos faiblesses, mais aussi vos hésitations, la peur du succès, la résistance au changement, etc. Il s’agit d’un aspect important, dès lors que le premier pas vers une promotion, un rendez-vous pour un projet, une offre d’emploi, etc., dépend de votre propre conviction dans le fait que vous avez « gagné » une telle reconnaissance. Si vous n’affichez pas vous-même vos propres réalisations, il est probable que les autres n’en fassent pas autant non plus.

Les Méthodes d’Action telles que définies par le Dr. Jacob L. Moreno contiennent des techniques qui peuvent vous aider à comprendre comment construire et promouvoir votre image. La visibilité et la communication sont importantes et il y a certaines techniques pour arriver à être reconnu tel que vous êtes. Comme le disait Tom Sachs, un artiste contemporain connu pour ses sculptures : « […] si tu n’as fait que ton travail, tu n’en as fait que la moitié. La moitié du boulot dans ce studio est de faire son travail, l’autre moitié est de communiquer sur le fait que ç’a été fait. Parce que si tu le fais, et que je n’en entends pas parler, comment je sais ce qui se passe ?”¹

Mais pour être capable de communiquer vos accomplissements, de faire connaître aux autres ce que vous faites, vous avez besoin que des personnes le fassent – d’où le besoin de vous construire un réseau. Construire des relations demande une connaissance des compétences sociales (savoir-être) : faire preuve d’empathie et de confiance en soi, prendre les bonnes initiatives, avoir une bonne capacité à écouter, être charismatique, etc. De manière à communiquer efficacement, vous avez besoin de comprendre et d’adopter le bon rôle, afin d’éviter de saboter le message. Ainsi que l’a dit l’écrivain et journaliste Tara Sophia Mohr, sur le fait de saboter sa propre carrière : « Je dirais que nous le faisons souvent parce que nous avons présenté la mauvaise partie de nous-mêmes à table. En tant qu’être créatifs gouvernant nos propres carrières, nous devons amener de nombreuses compétences différentes – voire de nombreux nous-mêmes différents – pour les diverses activités que nous faisons quotidiennement. Lorsque nous présentons le mauvais nous-mêmes sur la table, nous pouvons être paralysés. »²

Faire votre simple job ne devrait pas demander les mêmes capacités que la promotion de votre travail. Les Méthodes d’Action peuvent être utilisées pour établir les rôles corrects et pour développer la capacité requise pour un tel rôle.

S’entraîner avec les Méthodes d’Action pour développer ses compétences en Self-Marketing

Le psychodrame, qui est à la base des Méthodes d’Action, a été défini comme « une méthode dans laquelle les participants utilisent la dramatisation spontanée, le jeu de rôles et l’auto-présentation dramatique pour examiner et mieux comprendre leurs vies »³. La méthodologie du psychodrame, développée par Jacob L. Moreno (1889-1974), docteur en médecine, inclue des éléments de théâtre. Nathan P. F. Kellermann, PhD, psychologue clinicien et formateur international en psychodrame et en sociodrame, explique : « En recréant minutieusement les situations de la vie réelle, et en les jouant dans le présent, les participants ont l’opportunité d’évaluer leur comportement et de comprendre plus en profondeur une situation particulière qu’ils ont rencontrée dans leur vie professionnelle. »⁴ La théorie de Moreno de la « spontanéité-créativité » est un élément-clé du psychodrame et « en encourageant une personne à résoudre un problème de manière créative, réagissant spontanément et basée sur une impulsion, elle pourrait commencer à découvrir de nouvelles solutions à des problèmes dans sa vie et apprendre de nouveaux rôles à incarner⁵.

Les Méthodes d’Action basées sur la méthodologie du Dr. J. L. Moreno sont efficaces par le fait que l’on apprend en faisant. La connaissance technique devrait être plus facilement enseignée par l’écrit, par le truchement de conférences, de formations en ligne, etc., mais lorsqu’il s’agit du développement de compétences douces (soft skills), l’entraînement est bien plus efficace s’il y a la possibilité d’essayer différentes manières dans un environnement sécurisé.

Ci-dessous, un exemple de techniques de Méthodes d’Action pour échauffer les participants en vue de la préparation à un elevator pitch (petite présentation d’un profil ou d’une offre de services) :

Au sein de petits groupes, les participants ont préparé en une minute une présentation d’eux-mêmes et de leur activité professionnelle pour un entretien d’embauche, une offre de service ; ils pouvaient chercher à obtenir une promotion ou s’engager simplement dans du réseautage. L’un après l’autre, chaque participant s’est présenté en face du groupe et les membres du groupe ont fourni un retour créatif au participant. Un feedback utile a besoin d’être honnête, mais ne doit jamais être destructeur. Pour cette raison, le facilitateur a veillé à ce que le retour soit donné de manière respectueuse, positive et personnelle. Après cette séance feedback, les participants ont eu la possibilité de passer une deuxième et une troisième fois. En prenant en compte les retours reçus, ils ont retravaillé leur présentation. Les participants ont été encouragés non seulement à donner leur avis sur le contenu de ce qui avait été dit, mais principalement sur comment ils s’étaient sentis lorsqu’on s’adressait à eux et à faire part de leurs commentaires sur le langage non verbal, le positionnement du corps, la manière de parler (ton, voix, rythme), la manière d’entretenir un lien avec le public (confiance, charisme, niveau de tension, etc.) Tous ces aspects ont été commentés pour aider la personne à se voir, pour une fois, à travers les yeux d’autres gens. Le groupe a continué avec le partage d’une expérience similaire et l’analyse de comment s’adapter à une nouvelle expérience dans le contexte professionnel.

Un aspect unique des Méthodes d’Action, qui rend la méthodologie particulièrement efficace pour le développement de compétences sociales, est que le facilitateur est formé à créer un environnement sécurisé dans lequel les participants peuvent essayer différentes approches.
Un environnement sécurisé, en formation, signifie, hormis la confidentialité nécessaire, que les participants comprennent qu’ils ne peuvent pas faire quoi que ce soit de faux, qu’il n’y a pas de blâme, aucune peur du jugement ni du rejet et qu’on ne demande pas aux participants d’entrer en compétition. Ceux-ci sont encouragés à partager des expériences similaires les uns avec les autres, renforçant par là le sentiment de compréhension et d’acceptation. Un tel environnement permet aux participants de se détendre et de faire confiance en la méthodologie, qui aide l’apprentissage à devenir effectif.

Un autre exemple d’utilisation des Méthodes d’Action pour le développement du modèle SWOT en action :

Avec l’aide des participants du groupe, un protagoniste a développé les différents aspects du SWOT en les mettant en action. Il a placé les différents rôles du SWOT dans un carré sur le sol (comme présenté sur le modèle ci-contre). Il ou elle a choisi des participants du groupe pour représenter les différents rôles : la Force, la Faiblesse, les Opportunités et les Menaces. L’un après l’autre, les protagonistes ont tenu les différents rôles et parlé en tant que tels : « L’une de mes forces est que je suis bien organisé. Cela m’aide à être efficace même dans une situation de stress. » Une participant du groupe a pris le rôle de la Force et répété les mots du protagonistes. Le protagoniste a ensuite développé le rôle de la Faiblesse : « L’inconvénient d’être bien organisé est que je peux être un peu borné. Je suis souvent réfractaire au changement. » Un autre participant du groupe a pris le rôle de la Faiblesse et a répété les mots du protagoniste. On a procédé de la même manière pour les rôles des Opportunités et des Menaces. De plus, les rôles des Influences interne et externe pouvaient être introduites par quelques uns des participants en fonction de la direction suivie par le protagoniste. Une fois que celui-ci avait développé tous les rôles, les participants du groupe ont pris leur place respective et commencé à développer les rôles en débattant les uns avec les autres. Le protagoniste s’est tenu en dehors et a observé ce qui se passait. Les participants du groupe ont développé de manière créative les différents aspects des rôles, les pour et les contre, mais le facilitateur a supervisé le tout avec le protagoniste qui pouvait faire un pas dans le jeu à tout moment pour corriger la représentation d’un rôle.

Le but de cet exercice est d’extérioriser le dialogue interne entre les rôles pour les rendre visibles au protagoniste. Tous les rôles sont présents à l’intérieur de nous-mêmes, en discussion ou même en conflit. Lorsque l’on extériorise le dialogue, tout à coup certains rôles deviennent vraiment clairs, parfois si transparents qu’on peut facilement visualiser et comprendre les racines d’un conflit interne de rôles. La compréhension des rôles peut nous aider à lâcher quelque peu la peur ou les résistances et à en faire une force. La représentation des influences internes et externes va clarifier où nos soutiens sont et ce dont on a besoin de faire pour activer le soutien nécessaire à l’accomplissement de nos objectifs.

Est-ce que le Self-Marketing signifie que je dois me vendre ?

Tout au long de mon travail avec les personnes intéressées par le Self-Marketing, je n’ai jamais rencontré quiconque ayant réussi à se vendre lui/elle-même. Pour moi, personne n’’est « à vendre ». Bien que vous ayez besoin de promouvoir votre expérience et vos compétences, vous ne devriez pas avoir l’impression de vous vendre.

Gardez à l’esprit que vous n’êtes pas ce que vous faites, vous vendez ce que vous faites bien.

Si vous essayez de vous vendre et que cela ne marche pas, c’est vous qui êtes rejeté – pas parce que vous manquez de connaissances et de compétences, ou parce que votre profil n’est pas le bon pour l’opportunité en question – vous vous sentez rejeté pour ce que vous êtes. Le rejet de vous en tant que personne est terriblement douloureux, destructeur et très difficile à accepter. Mais si vous offrez vos compétences, votre expérience et qu’un client potentiel ou un futur employeur n’est pas intéressé, il vous est possible de réaliser que le rejet est justifié par un manque de compétences ou parce que votre profil ne correspond pas aux besoins.

Particulièrement lors d’entretiens d’embauche, comment voulez-vous vous protéger de la dépression après le 10^e rejet de votre candidature ? Si vous comprenez que c’est votre profil qui est rejeté, vous pouvez alors examiner votre recherche d’emploi et pourriez réaliser que vous ne ciblez pas le bon poste, que vous avez besoin d’entraînement supplémentaire, que vous pourriez même avoir besoin de changer de carrière en raison d’un marché du travail inadéquat dans vos précédentes expériences professionnelles ou, finalement, que vous n’avez pas eu de chance cette fois-ci. C’est vrai, un rejet reste un rejet, mais l’examiner avec du recul pourrait retirer l’aspect blessant du rejet et vous permettre de progresser. Les Méthodes d’Action peuvent aider à développer une telle distinction.

Le Self-Marketing consiste à se positionner correctement : lors d’un entretien d’embauche, l’intervieweur posera souvent la question suivante : « pourquoi devrions-nous vous embaucher vous plutôt qu’un autre ? ». Si vous pensez que vous êtes en train de vous vendre, vous êtes tenté de vous vanter en répondant « … parce que je suis le meilleur ici, parce que j’ai toujours raison, parce que je suis la bonne personne… », provoquant par là votre propre échec.

Si vous ne vous vendez pas, il est plus aisé de trouver le bon positionnement.

Lorsque vous mettez en avant vos services, vos compétences, votre expérience, vous pouvez les présenter de manière juste et positive, sans que cela ne sonne trop arrogant. C’est comme si vous étiez en train de parler de quelqu’un d’autre, cela vous permet d’y considérer de manière neutre et honnête.

A travers les techniques utilisées par les Méthodes d’Action, nous pouvons explorer, tester et ajuster les rôles du candidat pour un emploi aussi bien que les rôles de l’intervieweur. En ayant compris les rôles des deux parties, nous devrions être capables de nous positionner nous-mêmes correctement et de trouver les réponses aux questions de l’intervieweur, telles que : « … parce que j’ai la bonne expérience », « parce que je suis capable de réflexion avant de prendre une décision », « parce que j’ai appris à garder mon calme dans des situations compliquées, … ». De telles réponses vous permettent d’afficher vos compétences tout en faisant montre d’humilité – une attitude que tout intervieweur apprécie.

Pourquoi est-ce important de comprendre les principes du Self-Marketing et comment les Méthodes d’Action peuvent-elles aider à la formation

M’étant retrouvée de l’autre côté de la table pendant le processus de recrutement plus souvent que je ne puis m’en souvenir, je comprends bien pourquoi les intervieweurs choisissent un candidat plutôt qu’un autre. Le bon profil technique, c’est-à-dire la connaissance du langage et des systèmes, l’éducation, l’expérience, sont des prérequis à considérer pour une invitation à un entretien d’embauche, mais ce n’est que rarement le facteur décisif pour accorder une offre d’emploi. Premièrement, c’est la capacité à démontrer des compétences relationnelles qui sera, dans 8 cas sur 10, la raison pour laquelle l’employeur sera en faveur d’un tel demandeur d’emploi.

Et c’est pourquoi vous devriez vous intéresser au Self-Marketing, non seulement lorsque vous chercher du travail, mais aussi lorsque vous lorgnez sur des opportunités de promotion, cherchez de nouveaux clients ou la reconnaissance du travail de quelqu’un. Si vous êtes capable de vous engager avec une autre personne, si vous êtes charismatique, si vous êtes capable de construire des relations durables, vous êtes en bonne position pour votre prochaine évolution de carrière.

Nous devrions tous être maîtres de notre propre destin, et cela est particulièrement vrai lorsqu’il s’agit du développement de notre vie professionnelle. Le Self-Marketing peut vous procurer les outils que vous allez apprendre à utiliser dans votre vie de tous les jours et qui peuvent vous garantir que vos efforts, votre travail et vous-même allez être appréciés à vos justes valeurs. Les Méthodes d’Action peuvent vous aider à comprendre et à exercer de tels outils de Self-Marketing.

Les techniques utilisées par les Méthodes d’Action peuvent être particulièrement utiles lors du développement des compétences de Self-Marketing puisque la méthodologie prend en compte votre réalité individuelle, votre environnement professionnel aussi bien que votre personnalité afin de développer une « image personnelle » – une capacité que vous serez capable d’utiliser toute votre vie professionnelle durant.

Bien que prendre soin de sa carrière demande beaucoup d’énergie et de discipline, si le résultat s’avère être un changement de carrière satisfaisant ou une promotion permettant d’être mieux rémunéré, le temps passé sur l’apprentissage de sa propre image personnelle devrait en valoir la peine.

 Traduction de l’anglais : Vincent CHAZAUD.

Notes

¹Choi, Janet. Self-Marketing: Why some people get promoted (and others don’t)…
²Mohr, Tara Sophia. Playing Big: Have you ever received the offer of your dreams and sabotaged it?, Apple IBook, 2014.
³Definition of Psychodrama from Oxford Dictionary On-line – 29 January 2011.
⁴Kellermann, Peter Felix. (1992). Focus on Psychodrama, Jessica Kingsley.
⁵Schact, Michael. Sponteneity-creativity: the psychodramatic concept of change. In B. Clark, J. Burmeister, and M. Maciel, “Psychodrama: Advances in Theory and Practice.” Taylor and Frances: USA.