Le processus de catharsis dans le psychodrame morénien et psychanalytique (2e partie)

Par Nikos TAKIS et Zinovia VASSILIADI.

 

Extrait

Dans cette seconde partie (lire la première partie ici), un jeu psychodramatique dans lequel le protagoniste revisite un incident traumatique de sa prime enfance est présenté. Les éléments du jeu sont traités depuis une perspective psychanalytique et psychodramatique et finalement les différents niveaux de catharsis sont élaborés en lien avec le protagoniste et avec le groupe.

L’interprétation de la catharsis à travers un jeu psychodramatique

Dans un groupe de psychodrame constitué de 12 membres (10 femmes et 2 hommes) durant la première année de son existence, D. est invité à jouer en tant que protagoniste sur la scène. D. a 53 ans, est divorcé et a un enfant de 10 ans ; il travaille comme employé dans une entreprise privée. En tant que membre du groupe, il est très actif, participe vivement à toutes les activités mais n’a jamais exprimé jusqu’à présent le désir d’ouvrir dans le groupe une question personnelle à explorer. Il avait mentionné quelques mois plus tôt qu’il se sentait très « seul » au sein du groupe et il attribuait ce sentiment à la majorité des femmes du groupe qui le faisaient se sentir distant, ou au fait qu’il avait à défendre sa virilité. Le directeur de jeu a considéré cette déclaration comme importante pour D. et tous les membres du groupe, en tant que cela reflétait un aspect important de la dynamique de groupe. D. fut choisi par le groupe pour être le protagoniste de la séance, à travers un exercice sociométrique. Il accepta volontiers et sans hésiter la proposition du directeur de jeu de continuer à travailler sur cette question sur la scène. Il dit que bien qu’anxieux, il attendait ce moment. Le timing était important aussi pour le groupe, parce que selon la compréhension des thérapeutes, à travers les mots de D., le groupe exprimait le désir de se connecter plus significativement dans un tout intégré et de surmonter les inhibitions personnelles.

Dans la première scène, D. raconte un rêve dans lequel un fier cheval blanc galope dans un champ. Il choisit une femme du groupe pour être ce cheval, une femme jeune et séduisante. Le cheval court rapidement dans le champ, jusqu’à ce qu’à un certain moment, il marche sur une épine. Le directeur de jeu demande à D. quelle est la réaction du cheval suite à la douleur causée par l’épine. D. rassure le directeur que le cheval, après s’être arrêté un moment pour voir ce qu’il s’était passé et enlever l’épine de son sabot en le frottant sur une pierre, « continue de galoper fièrement, même en souffrant ». Toutefois, en conséquence, une petite impression de claudication est perceptible dans le mouvement du cheval. A ce moment, le directeur interrompt l’action, prend D. à l’endroit où l’épine se trouvait et lui demande :

« Qu’est-ce exactement ?
– Une épine.
– Combien de temps cette épine a-t-elle été là ?
– Trop longtemps. C’est très ancien.
– Savez-vous comment ça s’est retrouvé là en premier lieu ?
– C’est l’épine d’un rosier que ma mère a planté il y a plusieurs années »

D. sembla être profondément affecté, des larmes apparaissant sur son visage. Après une longue pause, le directeur demande :

« Qu’est-ce qui se passe en vous maintenant ? »

D. raconta l’incident suivant :

« Je me souviens, lorsque j’avais 5 ans, j’étais en train de jouer dans notre arrière-cour et je sentis un besoin urgent de déféquer. Je sonnai la cloche. Personne n’ouvrit la porte, bien que ma mère était dans la maison. Alors je me cachai derrière le rosier et commençai à déféquer. Soudain, j’entendis deux femmes rire. Je tournai ma tête et vis ma mère assise sur le balcon avec une autre femme, l’une de ses amies, me regardant et riant vivement. Je me sentis vraiment honteux. Après avoir déféqué, je partis en courant, restai dehors jusque très tard et lorsque je revins à la maison, j’allai directement me coucher, en évitant d’aller voir ma mère. »

Le directeur propose à D. de revenir dans cette cour. D. accepte. Il crée la cour et le balcon où sa mère et son amie étaient assises. Il choisit deux des plus veilles femmes du groupe pour jouer les rôles de la mère et de son amie et donne à la fille qui jouait le cheval le rôle du jeune D. qui joue dans la cour. Après avoir donné des instructions pour les rôles, l’action commence. Le petit D. court dans la cour, joyeux et insouciant. Les deux femmes au balcon discutent, boivent le thé et ne semblent pas accorder d’attention aux activités de D. A un moment, D. ressent le besoin de déféquer, sonne la cloche, personne ne répond et il se déplace dans la cour afin de trouver un lieu pour se soulager de ce besoin urgent. Il se cache derrière un rosier. Après avoir baissé ses pantalons, pensant être caché, sa mère le remarque, le désigne à son amie et dit : « Regarde, le petit D. fait caca ! » et rit vivement. D. fond en larmes.

A ce moment, le directeur mène un entretien avec le protagoniste. Celui-ci explique au directeur du groupe qu’il trouve « très injuste pour quelqu’un d’humilier un enfant de 5 ans de cette manière ». L’enfant semble incapable de réagir. Il est assis là, les pantalons baissés, paralysé, sans répondre aux femmes qui rient et le raillent. Le directeur du groupe demande à D. ce qu’il peut faire à ce moment, et D. répond : « Rien, je suis immobilisé, je ne peux pas bouger. » Ensuite, le directeur du groupe demande s’il y a quelqu’un qui peut aider le garçon à s’échapper de cette situation extrêmement déplaisante. D. répond que seul un adulte pourrait aider le garçon et « remettre les femmes à leur place et imposer l’ordre. » Il choisit donc le second homme du groupe pour le rôle de l’adulte, qui a le pouvoir dans son esprit de répondre aux deux femmes. L’homme marche le long de la scène et s’adresse aux femmes : « Comment est-ce possible de se comporter ainsi face à un enfant de 5 ans ? L’humilier autant ? N’avez-vous pas honte ? » Il hausse le ton de sa voix après que D. le lui a demandé, et répète plusieurs fois les phrases susmentionnées. L’enfant est toujours assis avec ses pantalons baissés et les femmes continuent de rire. Peu à peu, l’atmosphère change. Le petit garçon regarde les yeux de l’adulte et les rires diminuent jusqu’au silence complet.

A ce moment, le directeur du groupe se tourne vers le protagoniste, qui est pour l’instant dans le rôle du garçon, et lui demande de réagir spontanément à ce qui se passe. Le garçon est debout, dit qu’il veut quitter cette cour et être hors de la vue des deux femmes. Il demande à l’adulte de marcher avec lui jusqu’à la cour de jeu voisine et de s’asseoir avec lui. La scène est jouée comme D. la dirige et c’est la fin du psychodrame. A la question du directeur du groupe de savoir comment il se sent, D. répond qu’il se sent vraiment soulagé et que pour la première fois, il réalise combien cette réminiscence du passé résonne encore en lui.

Durant le partage qui suivit, plusieurs membres du groupe exprimèrent leur identification avec le petit D., et racontèrent des incidents dans lesquels ils s’étaient sentis honteux, racontèrent leur sentiment d’incapacité à traiter la relation avec les figures maternelle et paternelle omnipotentes, le sens du manque de protection et aussi les conflits non résolus et inexprimés dans les relations familiales.

Quelques réflexions sur le contenu du psychodrame de D.

Dans son premier jeu psychodramatique, D. choisit d’apporter sur scène un fier cheval blanc, prêt à galoper dans un champ vert. Il construit cette image méticuleusement, donnant des instructions au membre du groupe à qui on a assigné ce rôle de manière détaillée sur la posture corporelle du cheval et ses mouvements. En entrant dans le rôle du cheval, il est capable d’expérimenter cette émotion de fierté et exprime aussi à quel point il se sentait puissant et compétent dans ce rôle. Il voulait voir ce cheval courir de plus en plus vite. Il semble très satisfait jusqu’au moment où il rapporte au directeur de jeu que quelque part dans le champ il y a un rosier avec des épines très pointues et que le cheval ne les a pas remarquées et a marché dessus. D. le rassure sur le fait que rien de mal ne va arriver, le cheval se contente de gratter son sabot sur une pierre, ce qui extrait l’épine, et continue de galoper. La scène est rejouée selon les instructions de D., qui préférait voir l’action en tant que directeur plutôt que de jouer le rôle du cheval lui-même. C’était déjà évident qu’il voulait garder une distance de sécurité par rapport à quelque chose de très personnel qui commençait à se déployer sur scène. Le membre du groupe qui jouait le cheval commença à courir, à un moment marcha sur l’épine, s’arrêta un instant, regarda la blessure, enleva l’épine et continua. D. admit qu’une légère sensation de douleur continuait à être sentie, mais sans entraver le galop du cheval.

L’action aurait pu s’arrêter là. D. dit qu’il était satisfait. Il était sur scène le cheval blanc imaginaire galopant fièrement et de plus surmontant une blessure et continuant à courir. Il est notable que D. a plus joué en tant que directeur et non en tant que protagoniste. Il préférait donner des instructions au membre auxiliaire qui incarnait le rôle du cheval, plutôt que de jouer lui-même. Il semblait très satisfait de regarder sa créature, le cheval était si résistant et surmontait l’adversité ! Le directeur était conscient de la distance défensive de son protagoniste et décida de lui permettre d’expérimenter la situation imaginaire avant de l’inviter à se focaliser plus prudemment sur quelques éléments importants que la narration offrait. C’est un premier niveau d’expérience cathartique, dans lequel le protagoniste s’identifie avec la créature dynamique qui est capable de surmonter les obstacles. Nous sommes ici à un niveau d’abréaction. Le protagoniste rejoue une scène traumatique à un niveau symbolique et est en conséquence libéré d’une émotion autrefois réprimée.

Mais, même si sous-estimée, la claudication est toujours présente. L’élément était perçu comme une indication, qui ne pouvait pas être prononcée explicitement mais encore révélée à un niveau inconscient (ou préconscient, en des termes strictement freudiens) que la plus importante question n’est pour l’instant pas abordée. Le directeur de groupe, après avoir donné à D. assez de temps pour resentir cette expérience et y réfléchir, l’invite à un dialogue sur la nature et les origines de cette épine. D. répond spontanément qu’il s’agissait d’une épine de rosier que sa mère avait planté dans le passé. Il semble très touché en disant cela, comme si la blessure de cette épine n’avait jamais vraiment été traitée. C’est le moment le plus important du jeu qui transmet l’action à un autre niveau de traitement, celui de la narration de l’histoire personnelle, selon Askew (1960). D. induit l’image imaginaire d’une figure existante de son histoire, la mère. Son ambivalence envers la mère est aussi symboliquement introduite, à travers la représentation de la rose : une belle fleur qui peut aussi blesser celui qui la tient par ses épines. Cette double représentation peut être indicative de la relation de D. à sa mère. Elle a fait quelque chose qui a fini par le blesser mais cela s’est passé parce qu’elle a planté des fleurs belles et parfumées. Qui peut la blâmer pour cela ? Certainement pas son fils.

L’épine devient la clé du drame, le pont symbolique qui ramène le protagoniste dans le passé, dans un incident qui s’est produit environ un demi-siècle plus tôt. Il semble se souvenir très clairement de ce qui s’est passé. Deux autres éléments qui ont précédé l’urgence de déféquer sont aussi notables :

a) le petit garçon joue seul (cela nous rappelle ici le sentiment de solitude dans le groupe dont il a parlé initialement) dans l’arrière-cour, bien qu’il a un grand frère, pendant que la mère boit le thé avec son amie ;

b) la mère n’ouvre pas la porte lorsque le garçon toque à plusieurs reprises. Ce pourrait être une indication d’un possible sentiment de négligence envers lui que D. insinue dans son histoire. La présence de la mère dans l’image est dominatrice, presque autoritaire. Elle se situe sur le balcon, à un niveau plus élevé que le protagoniste, comme si elle était assise sur un trône. Elle est distante, à un endroit où elle peut tout voir, rien n’échappe à son regard, et sûrement pas le petit D. Elle supervise et juge tout avec sévérité. Bien plus, cette femme omnipotente est présentée dupliquée et renforcée par son double, son amie. Dans l’imagination du petit D., cette femme devient une extension de sa mère. Elle est la troisième personne du drame, et non le père, le frère ou la sœur. Pour le petit D., tout ce qui implique des femmes est lié à la critique et au rejet, plutôt qu’au soin et à la protection.

Au moment de la défécation, bien qu’initialement il se fût pensé bien caché, il est exposé au regard de sa mère et de son amie, comme s’il n’avait pas essayé de se cacher d’elles. Peut-être que dans son histoire, il se sentait si lié à sa mère, qu’il ne ressentait pas qu’il devait se cacher d’elle. Une fois observé et humilié par sa mère et son amie, le garçon se fige, comme s’il ne pouvait plus bouger. Il continue d’être exposé à ses yeux et se sent honteux. En général, lorsqu’un enfant a honte, il fuit immédiatement. Dans le cas de D., les choses sont plus compliquées. Il reste immobilisé, au moins un moment. C’est probablement le lien qui lie la scène précédente avec cette dernière : le garçon imagine sa relation avec sa mère aussi belle qu’une rose, mais ce fantasme est contredit par la réaction de la mère, qui est représentée par une épine dans la scène précédente.

Déféquer est normal, une fonction inévitable que les mères regardent leurs enfants faire de nombreuses fois. Se moquer d’un enfant qui défèque consiste en une violation des fonctions corporelles primaires. Dans l’esprit de l’enfant de 5 ans, les rires et les moqueries de la mère et de son amie ne sont pas adressées à ce qu’il est en train de faire mais à ce qu’il est dans son entier. Par conséquent, notre hypothèse est que D. sentit à ce moment qu’il était rejeté par sa mère en tant que personne. Peut-être qu’il ne se sentait déjà pas si important pour elle, puisqu’elle le laissait jouer seul dans la cour et n’ouvrait pas la porte lorsqu’il voulait rentrer. C’est, selon nous, l’élément traumatique dans cet évènement qui va bien plus loin que l’humiliation.

La représentation de l’épine de rosier condense la relation avec sa mère : un traumatisme passé, possiblement chronique, qui apparaît en premier dans la cour et la maison familiale il y a de nombreuses années. En même temps, le désir ou le besoin d’un lien avec elle est aussi présent. C’est le locus nascendi, comme Moreno préfère le définir, ou l’image négative de lui-même que D. a créée et qui probablement le hante encore dans sa vie, peut-être aussi connectée à l’échec de son mariage. Le souvenir de honte est représenté sur scène à travers son opposé, la fierté du beau cheval blanc. Le mécanisme défensif de formation réactive est ici activé.

Finalement, la troisième personne qui pourrait être initiée dans le couple mère-fils est absente. Au contraire, la troisième personne de l’histoire est l’amie de la mère qui, comme déjà mentionné, rend la domination de la mère encore plus violente et terrifiante pour le petit D. Le résultat est que D. est initié dans une pseudo-trinité dans laquelle il restera toujours soumis au désir et aux actions de la mère, sans personne pour faire la médiation dans cette relation. Le père est remarquablement absent, à un moment où D. aurait tant besoin de lui pour le faire se sentir en sécurité, protégé et aussi pour sauvegarder ses fonctions corporelles ainsi que son développement psychosexuel. L’image d’une mère si dominatrice et distante nous fait penser que dans l’imaginaire du petit D., cette mère a peut-être englouti et incorporé le père.

A ce moment, le psychodrame passe de la phase investigatrice à la phase productive. Le protagoniste essaie rétrospectivement une réparation de l’expérience traumatique du passé. L’enfant fait appel à un homme adulte dont il a tant besoin, une figure paternelle, qui va « imposer la loi » et restaurer l’ordre des choses. Le protagoniste crée rétrospectivement l’espace pour le développement de la relation avec le père. C’est la fonction du double qu’il appelle sur scène. Il a besoin d’un allié afin de se confronter à la double mère, et plus tard pour identifier et l’aider à consolider davantage une estime de soi et une identité plus robuste. Cela va heureusement être une première étape pour revisiter les traumas de son enfance, redéfinir la relation avec ses parents et restructurer ses fonctions mentales, après s’être débarrassé de toutes les parties non voulues et fragmentaires. Cela va constituer l’expérience cathartique la plus significative, substantielle et durable.

Analyse des étapes de la catharsis

Le psychodrame insiste sur les images, réelles ou imaginaires que les membres du groupe apportent sur scène. Le jeu sur scène est similaire au rêve, plein de significations condensées, qui doivent être déchiffrées. D. présente deux images opposées, une imaginaire et une de sa mémoire du passé. L’élément dominant pour la première est la fierté et, pour la seconde, les sentiments de honte. L’arrière-plan de la première est de l’herbe verte et pour la seconde l’arrière-cour d’une maison familiale. Le lien entre eux est la blessure de l’épine qui ramène l’action au moment du traumatisme qui a semblé porter atteinte au développement de l’estime de soi et du narcissisme de D. Dans les deux histoires, D., en tant que cheval ou que petit garçon, est laissé seul, doit trouver une solution sans aide externe ni soutien. C’est le scénario de la vie de D. qui est probablement répété tout au long de sa vie. A nouveau, dans sa vie il est divorcé et signale des sentiments de solitude.

La blessure de l’épine semble n’avoir jamais été soignée. La douleur semble encore familière. C’est presque comme si D. savait qu’il allait continuer à marcher dessus encore et encore. Il n’avait jamais essayé de faire quoi que ce soit à ce propos aussi loin. Il a continué à vivre avec une douleur constante.

C’est là que le processus de catharsis commence. Le protagoniste nomme la mère comme responsable de cette douleur permanente, à travers la représentation de l’épine, qui mène par conséquent au souvenir de la scène traumatique de l’enfance. A ce moment, le conflit interne qui a formé le développement de D. est révélé. Le protagoniste se décharge, à travers la création de cette image, de très vieux sentiments négatifs. Il utilise les mécanismes du contrôle omnipotent et de la formation réactive. Il s’imagine comme un beau cheval blanc, une image qui est plus probablement le contraire de celle qu’il a pour lui, qui peut surmonter les adversités et la douleur, même une moindre douleur, qui est dans l’image représenté par la claudication qui demeure.

Le processus de catharsis passe à un second niveau lorsque D. revisite sa mémoire traumatique, à travers la reconstitution de la seconde scène. Il est graduellement ré-exposé, dans le lieu sûr qu’est la scène de psychodrame, à l’influence dominante de sa mère et en même temps à l’absence du père, ou de toute autre figure qui puisse l’aider à s’échapper ou à le protéger des émotions dysphoriques qu’il portait. Nous considérons cette partie bénéfique parce que le protagoniste revisite les scènes traumatiques et les évènements à travers la sécurité délivrée par le groupe et par la direction du directeur de groupe qui sauvegarde d’une trajectoire régressive. A ce niveau, le protagoniste gagne la perspicacité sur la manière dont tous ces incidents ont influencé ensuite son développement et continuent d’être présents de quelque manière dans sa vie.

L’appel à l’adulte signifie l’initiation à la tierce personne, un niveau de catharsis plus intégrant et actif. Le protagoniste, plutôt que de rester silencieux et immobilisé en face de l’agression reçue par la mère, réagit et prend une mesure pour se protéger. Cette réponse constitue une nouvelle réaction à une ancienne situation qui est, selon Moreno, la définition d’une action spontanée. L’homme adulte représente la figure paternelle qui était absente de l’enfance de D., mais en même temps dans l’axe de l’auto-représentation, signifie aussi la nouvelle partie du soi que D. veut possiblement créer : devenir lui-même un adulte qui protégera et prendra soin de l’enfant intérieur négligé qui est en lui. Il faut noter que l’intégration de cette procédure demande bien plus de travail et d’interventions psychothérapeutiques afin d’être consolidée. Ce serait trop précipité et erroné de croire qu’un changement substantiel peut être atteint si tôt. Néanmoins, les fondations pour une nouvelle relation avec le soi peuvent être établies, aussi longtemps que le processus thérapeutique reste focalisé sur ce sujet.

La troisième étape de la catharsis qui commence à ce moment est un processus continu et de longue durée, qui accompagne les membres du groupe dans leur quotidien. Dans le cas de D., le protagoniste devient conscient de l’étendue de l’impact de ces évènements et crée la possibilité d’un chemin différent, une voie alternative pour traiter ces questions à partir de maintenant. En outre, il peut commencer à explorer l’association de cette relation prématurée avec celles qu’il a établies plus tard dans sa vie.

Dans le cadre du groupe, la catharsis ne devrait pas être examinée seulement au niveau de l’individu mais aussi à celui du collectif. L’élaboration de comment le psychodrame de D. affecte le processus de groupe et sa contribution à la catharsis du groupe dépasse le but et les limites du présent article. Cependant, il faut rappeler que D. fut choisi sociométriquement par la majorité du groupe pour être le protagoniste, après qu’il eut dit à quel point il se sentait souvent seul au sein du groupe. De cette perspective, la contribution de D. envers le développement d’un sens de la connectivité entre les membres était considérable. C’était évident dans le matériel personnel qui était révélé pendant le partage après le jeu et aussi les actes du protagoniste qui ont suivi durant les séances suivantes.

Même un seul acte psychodramatique, s’il est exécuté de manière appropriée, peut mettre en lumière des questions non transformées qui tirent leur source de l’enfance du protagoniste aussi bien que d’autres membres du groupe. Le résultat final des processus dépend de multiples facteurs liés à la motivation de chaque membre, de sa persistance à surmonter les mécanismes de défense et du développement d’une dynamique de groupe. D. a revisité dans les premières étapes de son voyage psychothérapeutique un moment important et une zone de son développement. La Catharsis, de l’ampleur qui a été atteinte dans le psychodrame décrit plus haut, doit avoir ramené des souvenirs douloureux mais en même temps, à travers l’essai d’une expérience corrective, a insufflé l’espoir que le futur pourrait être moins traumatique et plus optimiste.

Traduction de l’anglais : Vincent CHAZAUD

Date de publication : 13 février 2017

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