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FEPTO : La méthode de Moreno en Europe

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Leandra PERROTTA et Eduardo VERDU interviewés.

La Federation of European Psychodrama Training Organizations (plus connue sous son acronyme FEPTO) regroupe les associations européennes et méditerranéennes de psychodrame qui délivrent une formation et/ou une accréditation dans la méthode de Moreno. Pour mieux comprendre son mode de fonctionnement, ses activités et ses objectifs, nous sommes allés à la rencontre de Leandra Perrotta et d’Eduardo Verdu, respectivement présidente et vice-président de la fédération pour cette année 2014-2015.

ODeF : La FEPTO est, comme son nom l’indique, une fédération d’organisations. Que regroupe-t-elle exactement ?

Leandra Perrotta (L. P.) : Il y a en fait trois façons d’en être membre. La première est de faire partie des membres fondateurs, à titre individuel. Ils étaient 40 à sa fondation, en 1993 ; ils sont désormais au nombre de 23. La fédération regroupe ensuite des instituts de formation et d’enseignement du psychodrame. Enfin, il y a les instituts qui peuvent fournir l’accréditation nécessaire à la pratique du psychodrame selon nos standards. A l’heure actuelle, la FEPTO regroupe plus de 80 membres provenant de 27 pays d’Europe et de Méditerranée.

La FEPTO cherche à développer et à promouvoir la validité du psychodrame notamment à travers l’instauration de standards bien précis. Une formation sérieuse est absolument nécessaire pour faire accepter le psychodrame et les Méthodes d’Action. Pour bien se rendre compte de ce que signifie cette formation, il faut tout d’abord évoquer le nombre d’heures de formation : 880. Ce chiffre est le nombre standard minimal reconnu par la FEPTO. Il va sans dire que chaque pays ayant ses normes, selon les pays, le nombre est bien plus élevé. De plus, un accent particulier est mis sur l’éthique ; nos instituts fournissent les lignes directrices éthiques pour les futurs praticiens ainsi que les procédures à suivre. Les organismes membres de la FEPTO doivent y adhérer : ils doivent avoir un code de pratique en matière d’éthique et adhérer au Code Éthique de la FEPTO.

ODeF : Quels sont les autres objectifs de la FEPTO, au-delà de la formation et de l’accréditation ?

L. P. : Nous voulons absolument promouvoir aussi le réseautage entre formateurs et instituts. Pour ce faire, nous organisons une réunion annuelle, organisée à chaque fois par un pays hôte différent. Deux instituts du pays – au minimum – en sont les organisateurs locaux. Il s’agit d’une véritable occasion pour que chacun parle de ses pratiques en matière de psychodrame. Cette rencontre est une plateforme d’échanges importante.

L’année dernière, l’accent a été mis plus particulièrement sur la formation. Car il y a de nombreuses manières différentes de former ; c’est pourquoi une telle plateforme est importante pour questionner la nature même de la formation à la méthode de Moreno, pour constater et suivre son développement permanent. Nos standards minimums sont là pour essayer d’uniformiser le minimum requis en Europe, c’est un point à consolider encore à l’avenir.

Eduardo Verdu (E. V.) : En effet, le psychodrame est constamment remis en question. Dans beaucoup de pays en Europe de l’Ouest, il est dans une sorte de compétition avec d’autres méthodes à l’intérieur même de la psychothérapie ! Alors que dans les pays d’Europe de l’Est, il devient toujours plus important. J’ai souvent l’occasion de former là-bas ; je pense qu’après la fin de l’ère soviétique, le psychodrame s’y est retrouvé au même point de départ que les autres méthodes « concurrentes ». Dans un tel contexte, sachant que le psychodrame promeut la liberté, c’est un véritable paradis que de pouvoir s’explorer soi-même, de pouvoir trouver une forme de liberté depuis l’intérieur. Au Belarus, en Pologne, en Roumanie, le nombre d’étudiants dans ce domaine augmente en flèche.

En Europe de l’Ouest, la situation est donc quelque peu différente. L’exemple de la Norvège est assez intéressant : l’économie y est très liée au pétrole. Quand un problème se fait jour dans ce secteur économique, et que surviennent des problèmes que l’argent ne peut pas ou plus combler, beaucoup se tournent vers le psychodrame. En Italie, le psychodrame est très développé également, mais il est plus axé sur la thérapie que sur la formation. Mais quels que soient les contextes locaux dans lesquels on fait appel au psychodrame, il faut toujours pouvoir fournir beaucoup d’explications : pourquoi y faire recours ? comment s’y forme-t-on ? comment peut-on développer ses méthodes ? sont autant de questions auxquelles on doit être capable de répondre.

ODeF : Quels sont donc les moyens mis en place par la FEPTO pour faire comprendre ce qu’est le psychodrame ?

L. P. : L’un des enjeux aujourd’hui est de développer la recherche; en effet, il y a peu de pratiques fondées sur de réelles études.. De même, peu de spécialistes écrivent ou publient sur le sujet. Il y a beaucoup de psychodramatistes tout à fait compétents pour cette entreprise et très intelligents, mais peu sont actifs dans la recherche. La Commission Recherches a crû énormément ces dernières années et a lancé une série de recherches fort prometteuses.

Il y a aussi à s’adresser au grand public, professionnel ou non. La FEPTO cherche à promouvoir les initiatives visant à donner une impulsion de ce côté-là. C’est pourquoi je suis enchantée de la mise en ligne du journal Relation et Action par l’Institut ODeF ; il y a un immense besoin d’écrire, de publier sur le psychodrame, de le faire connaître.

La FEPTO, de son côté, publie une newsletter deux à trois fois par an. Il s’agit d’offrir une visibilité, un organe de communication avec la communauté de la FEPTO et au-delà de notre fédération, car nous avons des connexions jusqu’en Australie, en Nouvelle-Zélande, aux Etats-Unis.

ODeF : Développer la recherche et faire connaître le psychodrame, est-ce suffisant pour le faire reconnaître ?

E. V. : Le fait de vouloir faire reconnaître le psychodrame est plutôt lié aux politiques locales. Même en Europe, il y a certains pays dans lesquels il n’est pas reconnu. Ou alors, il est reconnu comme sous-section de la psychothérapie. En Italie, par exemple, la psychothérapie est reconnue, après une formation dispensée en plusieurs endroits, puis sanctionnée par un diplôme. La validité du psychodrame vient alors via la validité de la psychothérapie, comme c’est aussi le cas en Espagne, au Portugal et au niveau fédéral en Suisse par l’intermédiaire de l’Institut ODeF.

Mais la France et la Turquie, eux, ne reconnaissent pas la profession de psychothérapeute. La situation pour le psychodrame est donc d’autant plus compliquée qu’il faut attendre que la psychothérapie soit d’abord reconnue. Pour cette problématique, nous travaillons avec la European Association for Psychotherapy (voir l’article « L’EAP en Europe etc. ») : le but est que le psychodrame soit reconnu comme méthode de psychothérapie à part entière. Selon moi, le pays où le psychodrame a le plus gagné en reconnaissance en Europe, c’est la Pologne. Le psychodrame y est tellement développé ! Dans d’autres pays, il faut presque partir de zéro.

ODeF : D’un point de vue purement organisationnel, comment fonctionne la FEPTO ?

L. P. : Le conseil (Board) de la FEPTO regroupe un membre de chaque comité. Un comité est un groupe de personnes qui travaillent sur une tâche précise : formation, éthique, adhésion, développement, newsletter et site web, affaires européennes et méditerranéennes, réseau, réunion annuelle, recherche ; soit neuf au total. Ajoutez à cela un trésorier et un secrétaire. Pour les années 2013-2014 et 2014-2015, Eduardo Verdu et moi-même sommes présidents (officiellement, cette année, je suis présidente et il est président, alors que l’année passée, c’était le contraire).

Il y a donc une petite structure fixe et organisée pour la FEPTO, mais étant une fédération d’organismes, nous sommes avant tout le fruit de la collaboration de toutes nos composantes.

Interview de Leandra PERROTTA et Eduardo VERDU réalisée par Vincent CHAZAUD.

Date de publication : 12 avril 2015

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