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EAP : La psychothérapie en Europe

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Celia Scanlan nous explique le fonctionnement de l’EAP et nous donne quelques exemples concrets de ses buts et actions.

La European Association for Psychotherapy (EAP) est une organisation faîtière de psychothérapie en Europe. Elle regroupe 128 organisations (dont 30 associations faîtières nationales, 17 associations européennes de psychothérapie) provenant de 41 pays d’Europe. En d’autres termes elle représente les intérets de 120’000 psychothérapeutes. Chaque organisation faisant partie de l’EAP envoie l’un de ses membres dans le comité. La FEPTO, représentant les intérêts du psychodrame de plus de 25 pays d’Europe et de Méditerranée, en est bien entendu membre.

Mais le propos de l’EAP va bien au-delà de la simple représentation de la psychothérapie. Elle œuvre en effet pour la reconnaissance de la psychothérapie en tant que profession indépendante à travers des certifications et standards reconnus. Certains pays l’ont, certains ne l’ont pas. La Suisse, par exemple, a maintenant une loi sur la psychothérapie, la LPsy. D’ailleurs, la spécialisation en psychothérapie, avec accent sur le psychodrame humaniste, donnée par l’Institut ODeF, en a reçu l’accréditation provisoire fédérale1. L’Espagne, le Portugual, le Royaume-Uni, etc. ont aussi reconnu la psychothérapie. D’autres pays n’ont pas de loi, pas de reconnaissance officielle. Comme pour toute autre méthode de psychothérapie, le psychodrame fait face à ces problématiques. Ailleurs dans le monde, l’obtention de cette reconnaissance peut se révéler un travail de longue haleine, comme nous l’a confié, lors d’un entretien, Celia Scanlan, chargée des affaires européennes à la FEPTO et déléguée de cette dernière auprès de l’EAP.

ODeF : Que fait l’EAP en Europe ?

Celia Scanlan (C. S.) : Il s’agit d’une organisation dont le dessein peut être considéré comme politique. L’objectif principal pour nous est de faire reconnaître la psychothérapie comme une profession indépendante. En effet, dans de nombreux pays, les praticiens autres que les médecins ou les psychologues ne sont pas de facto reconnus comme pouvant exercer cliniquement. Je suis moi-même nurse en psychiatrie : ce simple titre n’est pas suffisant dans certains pays d’Europe pour l’étude et la pratique de la psychothérapie.

L’EAP, pour aider à obtenir cette reconnaissance, fait appliquer des standards minimaux qui déterminent et explicitent ce que l’on doit attendre d’un psychothérapeute. Dans un certain nombre de pays, notamment en Europe de l’Ouest, il faut suivre certaines études pour devenir psychothérapeute : c’est plus que ce qui est demandé par les standards minimaux de l’EAP. En revanche, dans d’autres Etats, ces standards sont difficiles à atteindre. En ce qui concerne l’Europe, c’est dans l’ex bloc de l’est communiste plus particulièrement que certaines personnes ne pouvaient pas ou difficilement pratiquer. Ces standards mis à disposition par l’EAP dans ses filiales leur permettent donc, une fois atteints, de pouvoir demander ensuite le European Certificate of Psychotherapy (ECP). Cette certification est une bonne référence : cela signifie que ceux qui l’obtiennent ont vraiment atteint un bon niveau. Son obtention requiert une formation substantielle.

L’exemple du Royaume-Uni est peut-être illustratif de cette situation. Le pays reconnaît nos standards à travers le UKCP (United Kingdom Council for Psychotherapy), l’entité britannique de psychothérapie principale du pays2 ; c’est-à-dire que sont acceptées les personnes qui ont obtenu l’ECP (le pays est en fait tenu de les accepter, puisqu’il s’agit d’un accord officiel). Elles sont selon moi prêtes à travailler dans le Royaume-Uni. On vérifie d’ailleurs qu’ils disposent d’un bagage de langue anglaise assez solide, à travers notamment la rédaction d’un essai théorique.

ODeF : Concrètement, à quels problèmes la psychothérapie et le psychodrame peuvent-ils être confrontés en Europe ?

C. S: : En décembre passé, je suis allée à des congrès en Ukraine, où l’on nous a raconté à quel point il était devenu difficile de travailler là-bas. Les autorités empêchent de pratiquer sur place. On ne vous permet pas de travailler d’un côté de la « frontière » (ndlr : entre l’Ukraine et les zones séparatistes) ou de l’autre, et il n’y a pas de limite claire. Mais si nous croisons un Russe du côté ukrainien, ou vice-versa, il est pour nous indispensable de lui venir en aide aussi.

L’EAP a alors organisé une table ronde avec des délégués de la Russie, d’Ukraine et d’autres pays dans lesquels se déroulent des conflits inter- ou intra-étatiques. Une déclaration en est ressortie3.

Le cas de l’Ukraine est emblématique de la situation du psychodrame dans certains endroits du monde : il est important que la psychothérapie, sous toutes ses formes, puisse venir à l’aide de tout un chacun, peu importe sa nationalité, en Ukraine et partout sur le globe. Nous sommes une organisation neutre : nous ne disons pas à nos patients quoi faire, nous les aidons à trouver leurs propres solutions. Certains collègues de la FEPTO sont revenus de Gaza, pour citer un autre exemple, où ils ont pu travailler. Il est donc crucial, pour pouvoir travailler dans ces zones avec l’appui des autorités locales, d’être auparavant reconnu en tant que professionnel et indépendant.

ODeF : Outre ces situations fort particulières, à quel propos l’EAP a-t-elle été amenée à agir ?

C. S. : Dans certains cas, s’il n’y a pas forcément de guerre ou de conflit direct, une situation héritée d’années de séparation et d’incompréhension peut avoir des répercussions sur la situation actuelle. C’est notamment le cas de Chypre : il y avait quatre organisations différentes qui ne communiquaient pas entre elles, aussi bien du côté grec que du côté turc.

Ces dernières années, avec le soutien de l’EAP, une association faîtière a été créée pour regrouper les différentes associations du côté grec, mais aussi pour communiquer avec les psychothérapeutes du côté turc. L’EAP est à leur disposition à Chypre pour faire en sorte que le dialogue se maintienne, pour aider à la concrétisation de réunions communes, etc. Il y a un véritable travail à effectuer sur la durée. Nos délégués y vont et les aident dans cette situation.

L’EAP a aussi donc comme vocation, dans des pays où les différentes organisations ne sont pas organisées entre elles, de créer les bases d’une plateforme commune, permettant par là d’obtenir plus aisément une reconnaissance dans le futur.

 Interview de Celia SCANLAN réalisée par Vincent CHAZAUD.

Notes

1Il s’agit de la Loi fédérale sur les professions relevant du domaine de la psychologie : http://www.admin.ch/opc/fr/classified-compilation/20091366/index.html
2Site web du UKCP : http://www.psychotherapy.org.uk/
Il s’agit de la principale entité britannique de psychothérapie dans les domaines de la formation et de l’accréditation au certificat ECP.
3http://www.europsyche.org/contents/14509/vienna-declaration-dated-6th-of-december-2014-crisis-in-the-ukraine-psychotherapeutic-approaches

Date de publication : 12 avril 2015

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